L’AFRIQUE ET SA DEMOGRAPHIE GALOPANTE

 

L’estimation de la population africaine avant 1950 est un problème complexe en raison de l’absence de données fiables pendant la période coloniale et, plus encore, pendant la période précoloniale. Tous les chiffres avant 1950 sont des estimations basées sur des données plus ou moins lacunaires et sur des projections. 

Il a longtemps été pensé que la densité de population africaine avant 1850 était faible comparativement aux autres continents et avait augmenté rapidement à partir du début de la colonisation au milieu du XIXe siècle. Certains chercheurs pensent aujourd'hui au contraire que la population était assez importante et que son taux de croissance était faible. De 140 millions d’individus en 1850 la population aurait peu varié jusqu’en 1920 puis elle aurait augmenté plus rapidement pour atteindre 280 millions en 1960 et 800 millions en 2000. 

L'impact de l'esclavage en Afrique jusqu'en 1850 a été différent suivant les régions. La croissance de la population africaine s'est globalement ralentie et dans les régions les plus touchées l'esclavage a entraîné le déclin de sous-populations. Toujours selon Patrick Manning, les taux de croissance relativement faibles au XIXe siècle et les estimations plus élevées de la taille de la population africaine à la période précoloniale impliquent que l'impact négatif de l'esclavage sur ces populations a été moins sévère que précédemment estimé. La nature des populations victimes de l'esclavage souvent jeune et majoritairement des femmes permet d'expliquer l'impact sur la croissance des populations. 



La fin du commerce des esclaves coïncide avec la conquête coloniale. Il est estimé que les régimes coloniaux, en particulier français et belge, ont provoqué des déclins de population, en grande partie à cause de la propagation de maladies, en particulier par les fonctionnaires coloniaux africains et européens. Dans certaines régions, comme les régions côtières, l'augmentation de la productivité a entraîné une augmentation de la croissance de la population. Lors de la période coloniale, les Africains ont connu des changements dramatiques de leurs conditions de vie, des taux de croissance accélérés, de brusques changements dans les modèles de migration et les débuts spectaculaires de l'urbanisation. L'espérance de vie, bien que faible par rapport à celle des autres régions et changeant peut-être avec un certain retard, s'est néanmoins allongée de façon impressionnante. Entre 20 et 25 ans, au début du XIXe siècle, l'espérance de vie à la naissance était passée à 36,7 ans pour la période 1950-1954. 

Population africaine aux 20ème siècle et 21ème siècle

L'Afrique est le continent dont la population en pourcentage a le plus augmenté depuis le début du XXe siècle et dont le taux d'accroissement naturel, avec 2,5 % en 2015, est le plus élevé. Estimée à 133 millions d'habitants en 1900 soit 8,1 % de la population mondiale, la population de l'Afrique est passée en 1950 à 228 millions soit 9,1 % puis à 808 millions en 2000 soit 13,2 %, et à 1,1 milliard en 2012 soit 16 % de la population mondiale. Selon les estimations de l'ONU, la population de l'Afrique pourrait être de 2,5 milliards en 2050, soit 25 % de la population mondiale, et de 4,4 milliards en 2100, soit 39 % de la population mondiale. Le Nigeria, la république démocratique du Congo et l'Éthiopie seront, en 2050, parmi les dix pays les plus peuplés de la planète. 

Cela n’est cependant qu'une forme de rattrapage puisqu'en 2030, la population du continent retrouvera la proportion, environ 20 % du total mondial, qu'elle représentait au XVIe siècle avant les traumatismes démographiques de la traite négrière et de la colonisation.



Pyramide des âges et ses conséquences 

La société africaine est extrêmement jeune. En 2004, un Africain sur deux a moins de 20 ans. En 2012, 70 % de la population du continent avait moins de 30 ans et 44 % de sa population avait, en 2006, moins de 15 ans, ce qui en fait « incontestablement la plus jeune région du monde ».

Cette croissance démographique est susceptible d'avoir des effets contrastés selon que l'on adopte un point de vue malthusien et afro-pessimiste ou non. Ainsi la Banque mondiale présente-t-elle en 2015 un rapport intitulé « La transition démographique africaine : dividende ou désastre? » Le rapport expose qu'une partie de l'Asie a connu une situation similaire avant sa transition démographique et le décollage économique des tigres asiatiques. On peut citer comme exemple positif le fait que la concentration des populations en ville crée des marchés solvables pour les agricultures locales. Ou bien encore constater que l'accroissement démographique est un bienfait pour le développement du marché de la téléphonie mobile, ce qui a été à la base de la « bancarisation » (mobile banking) fulgurante du continent qui permet à l'Afrique d'être la « championne du monde du paiement par téléphone mobile ». La croissance de la population est donc aussi celle de la consommation domestique et du développement économique qui l'accompagne notamment grâce aux « classes moyennes » qui croissent plus vite (3,1 %) que la population dans son ensemble (2,6 %). 


Dans ce contexte, la transition démographique du continent, entamée dans certains pays (Kenya, Sénégal, Botswana …), si elle se confirme, est une chance potentielle grâce à la baisse du taux de dépendance qu'elle entraînerait avec une population active plus importante que celle des inactifs. Quelques pays (Ghana, Côte d’Ivoire, Malawi, Mozambique et Namibie) ont déjà été identifiés comme étant sur cette voie.


Les positions malthusiennes, à rebours, invitent à considérer la croissance de la population comme un fardeau en parlant de « suicide démographique », avançant que la transition démographique est loin d'être globalement acquise et que les taux de dépendances sont, pour l'heure, extrêmement élevés. De même, les investissements, notamment en éducation, qui devront accompagner la transition démographique pour la transformer en vraie chance, sont considérables. La population, en tout état de cause plus nombreuse, devra s'entasser car même si la densité globale du continent est faible (36 hab/km2), certaines zones sont inhabitables ce qui fait que l'on constate, en certains endroits du Nigeria, pays le plus peuplé du continent, des densités de l'ordre de 190 hab/km2 et de 420 hab/km2 au Rwanda, et que 62 % des urbains d'Afrique subsaharienne vivent dans des « quartiers précaires ». À l'inverse, l'Afrique du Nord est la région qui connaît la plus faible proportion de population urbaine vivant dans des bidonvilles (13 %).


Une caractéristique principale du continent est que son indiscutable croissance économique ne bénéficie que peu à ses populations. C'est le concept de « la croissance sans le développement », proposé par George Ayittey.


Natalité et mortalité en Afrique


Le taux de fécondité (nombre d'enfants par femme) pour l'Afrique subsaharienne est de 4,7 en 2018, soit le plus élevé au monde. Tous les pays d'Afrique subsaharienne avaient un taux de fécondité (nombre moyen d'enfants) supérieur au seuil de remplacement en 2019 et représentaient 27,1 % des naissances vivantes dans le monde. En 2021, l'Afrique subsaharienne représentera 29 % des naissances mondiales.


La croissance démographique est évidemment liée au taux de fécondité lequel, en Afrique, est le plus élevé au monde avec 4,7 enfants par femme pour la période 2010-2015, contre une moyenne mondiale de 2,5. Si la majeure partie des pays africains ont un taux de natalité élevé, ils font également face à une mortalité infantile très élevée. En 2013, deux pays africains avaient un taux de mortalité infantile supérieur à 100 ‰ et 34 un taux supérieur à 50 ‰. Par ailleurs, les quatre pays ayant l'espérance de vie la plus faible dans le monde en 2012 étaient tous africains.


Le sida est devenu la première cause de mortalité en Afrique à la fin du XXe siècle. C'était encore le cas en 2007, où ONUSIDA estimait à 22 millions le nombre de personnes infectées en Afrique. En 2013, sur 35 millions de personnes infectées, 24,7 millions vivaient en Afrique subsaharienne, dont 58 % de femmes. Le VIH a fait 1,3 million de morts sur le continent en 2009, mais il en faisait 1,4 million en 2001. Entre 2005 et 2013, les cas de nouvelles contaminations ont cependant baissé de 33 % en Afrique subsaharienne.


La mortalité infantile a chuté de 30 % en 20 ans et l'espérance de vie s'est accrue de 15,4 ans depuis 1950. Mais, en Afrique subsaharienne, 1 enfant sur 8 meurt avant ses 5 ans contre 1 pour 143 dans les pays développés.


Les conditions sanitaires sont largement indépendantes de l'économie. Malgré un niveau de revenu cinq fois inférieur, l'Éthiopie, (573 $/hab450), grâce à sa politique en la matière, présente de meilleurs indicateurs sanitaires que le Nigeria (3 203 $/hab.) : mortalité infantile 47 ‰ (78 ‰ au Nigeria), mortalité maternelle 350 ‰ (630 ‰ au Nigeria). De la même manière, l'aridité est corrélée avec la malnutrition mais, pour des raisons politiques, cette dernière sévit lourdement en république démocratique du Congo, pourtant un des pays les plus arrosés de la planète.


Pour plus d’informations :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Afrique

https://en.wikipedia.org/wiki/Africa

https://africacenter.org/

https://journals.openedition.org/etudesafricaines/

https://etudes-africaines.cnrs.fr/

https://www.afdb.org/fr/documents-publications/perspectives-economiques-en-afrique-2024